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Quand la nature aide l’agriculture, petites histoires qui se jouent dans nos champs #4 : les rapaces

Quatrième épisode de notre série consacrée aux animaux sauvages qui viennent en aide aux agriculteurs en régulant les ravageurs de culture. Et parmi les prédateurs, on ne peut pas passer à côté des rapaces. Diurnes comme nocturnes, ils sont redoutables pour tout campagnol digne de ce nom.

Photo : Simone Cappellari

Dans l’épisode 3 de notre série sur les auxiliaires de culture, nous vous avions présenté le renard et les mustélidés qui chassent les campagnols par milliers dans les parcelles de culture de Marc Lefebvre, agriculteur à Guînes. Et bien pour ce petit rongeur, si le danger peut venir de la terre, il peut aussi venir du ciel avec les rapaces diurnes et nocturnes. Un bienfait pour notre observateur guînois qui construit patiemment un modèle d’agrotrame de biodiversité.

Pour protéger la nature et la ressource en eau, Marc Lefebvre a décidé de réduire son usage de produits chimiques. Pour lutter contre les ravageurs de culture, dont les campagnols, il compte aussi sur les espèces sauvages prédatrices. Dans sa démarche, il est suivi par les écologues du Parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale et des scientifiques et universitaires locaux qui étudient l’effet sur les cultures de la présence de prédateurs.

Place aux chevêches d’Athéna, buses et faucons crécerelle !

Les rapaces figurent parmi les plus grands prédateurs de nos campagnes. On en compte une dizaine d’espèces (diurnes ou nocturnes) en Caps et Marais d’Opale. Et comme les renards ou les belettes, ils constituent un sérieux danger pour les campagnols qui pullulent dans les champs et dévorent les récoltes.

Prenons l’exemple de la Chevêche d’Athéna. Chaque année, cette petite chouette aux yeux d’or (environ 210 gr pour 60 cm d’envergure) élève une nichée de 2 à 4 jeunes entre février et août. Il faudra bien un millier de rongeurs, campagnols et musaraignes essentiellement, pour nourrir ses petits.

Côté diurne, on peut aussi évoquer le faucon crécerelle. Ce rapace peut atteindre 80 centimètres d’envergure et consommer jusqu’à 1500 rongeurs par an, ce qui représente environ 90% de son régime alimentaire. Enfin, au chapitre des prédateurs, n’oublions pas la buse variable qui consomme un peu de rongeurs, mais moins que les autres car elle est plus imposante. Ses proies sont d’ordinaires plus grosses.

Des nichoirs et des perchoirs dans un paysage

Dans un champ de céréales, les rapaces constituent donc de véritables alliés pour lutter contre la prolifération des campagnols et leurs cousines musaraignes. On peut mesurer l’efficacité de ces auxiliaires de culture en nombre de proies consommées. Pour favoriser leur présence, des perchoirs ont été installés. Des poteaux plus hauts, implantés avec Enedis, ont également été ajoutés dans des parcelles. Ils ont permis l’installation de nichoirs à faucons crécerelle et à chevêches avec la LPO. En effet, le faucon ne niche pas à moins de 6 mètres de haut. Des pelotes de réjection ont été trouvées chaque année au pied de ces perchoirs. Chaque oiseau ayant sa pelote spécifique, la Chouette hulotte a été trahie par cet indice.

Poser des perchoirs et des nichoirs, c’est important surtout quand les arbres aux alentours sont jeunes. Néanmoins, cela ne suffit pas. Favoriser la présence des rapaces nécessite de les connaître et d’entendre leur message. La chouette Chevêche d’Athéna par exemple est sensible à la suppression des haies, des arbres et en particulier des vieux arbres creux, ou encore à la conversion de prairies naturelles en cultures. C’est tout un paysage qui forme son lieu de vie et qui lui permet de s’épanouir.

De nombreuses espèces de rapaces voient leur population décliner quand l’agriculture s’intensifie. Remettre des haies, des bandes enherbées dans le paysage, prévoir des perchoirs et des nichoirs quand les arbres sont jeunes… Toutes ces actions concrètes permettent de rendre des grandes cultures de plaine moins hostiles aux auxiliaires et s’appuyer ainsi sur leur qualité de chasseurs de campagnols hors pairs.

Bonus : et si on parlait des autres oiseaux ?

Outre les rapaces, d’autres oiseaux peuvent réduire les populations de ravageurs de cultures. En milieu agricole et par hectare, les oiseaux des champs peuvent manger jusqu’à 21 kilos d’arthropodes (insectes et autres bêtes à multiples pattes) (Nyffeler et al., 2018).
Dans les champs de Marc Lefebvre, pendant trois ans, un suivi par baguage des oiseaux a été réalisé. Ce travail a mis en évidence l’importance des haies placées en bordure de parcelles. Dans d’autres milieux agricoles moins arborés, de nombreuses espèces d’oiseaux subissent un déclin très important : - 64% chez la linotte mélodieuse (granivore mais qui nourrit ses petits avec des insectes) et – 70 % chez le bruant jaune, de 2001 à 2014. Chez Marc Lefebvre, ces populations se maintiennent, d’autres reviennent même comme l’hypolaïs (oiseau insectivore), et ce grâce aux haies qui leur offrent un abri et de la nourriture.

Le geste de l'habitant

Il est tout à fait possible de favoriser la présence de rapaces chez soi notamment nocturnes en installant des gîtes à chevêche d’Athéna ou à effraie des clochers. Si vous avez un bosquet de saules, c’est encore mieux !

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