Quand la nature aide l’agriculture, petites histoires qui se jouent dans nos champs #1 : les microguêpes
Dans cette série, nous allons vous parler de plein de bêtes, des araignées aux rapaces, des microguêpes aux renards. Ces histoires se passent à Guînes, dans les champs de Marc Lefebvre. Sensible à son environnement, il a décidé d’utiliser « aussi peu que possible mais autant que nécessaire » les insecticides dans ses cultures, et de se baser sur les forces de la nature pour réduire les ravageurs de cultures. Bienvenue dans cette série, qui vous raconte la vie secrète de nos champs et qui s’ouvre, aujourd’hui, avec des microguêpes et des momies de pucerons.
Aphidius parasitant un puceron.
Crédit : S. Dourlot/Univ. Rennes-I
Source : : http://agri29-legumes.com/auxilliaires/momie-medium/
Une belle parcelle de blé ondoie sous le vent. On y entend un bourdonnement. De très petites guêpes s’aventurent dans le champ à la recherche de pucerons. Ceux-ci feront des hôtes parfaits pour les larves des guêpes… Mais oui, ces guêpes pondent ni plus ni moins dans le corps de leurs victimes, les pucerons. Et en cela elles font de parfaites alliées des agriculteurs ! On appelle ces alliées des auxiliaires de culture.
A Guînes, un agriculteur a décidé d’explorer les capacités de ces auxiliaires de culture. Une démarche inédite qui est suivie par des écologues du Parc naturel régional, des scientifiques de la Fredon Hauts-de-France et des chercheurs de l’Université catholique de Lille au travers du programme Agrotrames II. Le but étant d’étudier sa démarche pour la reproduire dans d’autres exploitations.
Trois microguêpes, terreurs des pucerons
Revenons à notre guêpe. Pourquoi sa contribution est-elle aussi précieuse ? Parce qu’elle prédate des pucerons qui causent des dégâts directs sur les cultures. Ces ravageurs de culture prélèvent la sève des plantes et leur salive acide est toxique. Quand ils pullulent, la plante grandit moins, produit moins de grains et les feuilles se déforment et se flétrissent. Certains virus peuvent également apparaitre comme celui de la Jaunisse nanisante de l’orge (JNO). Différentes espèces de pucerons sont présentes à différents stades de la culture, de la levée au grain. Bref, c’est un fléau pour tout cultivateur de céréales.
Heureusement, sans être l’arme absolue il y a la microguêpe, ou plutôt les microguêpes ! Aphidius, Diaeretiella et Praon, ces trois-là sont des expertes du parasitisme de puceron. Non seulement elles détectent le puceron à grande distance, aidées en cela par les plantes elles-mêmes qui émettent des substances d’alarme quand elles sont attaquées, mais elles peuvent aussi détecter le miellat que produit le puceron.
Des pucerons momifiés
Elles font alors usage d’une arme fatale : la tarière à ponte. Cet appendice que l’on nomme aussi oviscapte ou encore ovopositeur prolonge l’abdomen des femelles et leur sert à guider le dépôt de l’œuf, voire (âmes sensibles s’abstenir) à perforer l’innocent puceron afin de déposer un œuf qui deviendra larve. La larve dévorera le puceron de l’intérieur, le transformant en momie de couleur nacrée ou jaune d’or. Dans ce cocon, elle se transformera en un insecte qui sera mature une journée plus tard !
Les microguêpes sont des auxiliaires ayant un effet de régulation parmi les plus efficaces sur les pucerons : le taux de parasitisme peut dépasser 95% des pucerons, et ce dès le mois d’avril. Un vrai effet bénéfique dont on aurait tort de se priver, même si son efficacité est à mettre en regard avec les itinéraires de culture et un ensemble de paramètres aux interactions complexes. En restant vigilant et humble, cela peut permettre à l’agriculteur de réduire son usage d’insecticides et ainsi de contribuer à préserver les ressources en eau.
Le geste de l'habitant
Si vous souhaitez, à la suite de ce récit horrifique, favoriser la présence des microguêpes dans votre jardin, afin de lutter contre les pucerons sur vos roses, accompagnez-les de plantes de la famille des carottes comme le Fenouil, l’Aneth, le Panais etc. Laissez par ailleurs quelques choux monter en fleur. Et n’oubliez pas : la haie au jardin est une grande alliée.